À son Excellence le Ministre de l’Intérieur
Monseigneur,
J'ai l'honneur d'exposer à votre Excellence, qu’étant auteur de plusieurs améliorations faites aux procédés nouvellement employés dans le Royaume des Pays-Bas pour la fabrication des huiles extraites des graines oléagineuses [3], notamment de la navette et du colza, j'ai le désir d'importer en France ce nouveau mode de fabrication dont les avantages sur l'ancien sont considérables et constatés déjà par la pratique et l'expérience et ayant le désir de faire exécuter toutes les pièces matérielles nécessitées par cette fabrication dans l’intérieur de la France, et par des artistes français.
J'ose supplier votre Excellence de vouloir bien me faire délivrer un brevet d'importation pour une durée de 15 ans. Je joins à la présente pétition tous les documents et pièces exigées par la loi sur les brevets.
J'ai l'honneur d'être, Monseigneur, avec le plus profond respect, de votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur.
Moulin propre à la fabrication des huiles
Mémoire
Descriptif des procédés et des moyens employés par le sieur Jacques Neys, dans la fabrication des huiles extraites des graines oléagineuses.
La différence du nouveau mode de fabrication avec ceux déjà mis en usage, consiste essentiellement dans l'emploi de la noix, qui sert à la fois à écraser et à comprimer les graines, ces deux opérations sont ici simultanées et l'on n’a de recourir à une nouvelle pression que pour extraire les dernières parties de l'huile contenues dans la graine, ce qui se fait par le procédé ordinaire des presses et sans que l'on ait besoin de chauffer.
Le nouveau mode de fabrication n'existe point encore en France, et se trouve établi en Belgique depuis un an environ; il a été accordé à son auteur un brevet d'invention par sa Majesté le Roi des Pays-Bas [2], mais le sieur Neys y a apporté quelque perfectionnement dans la construction.
Le modèle joint à cette notice et qui a été établi sur l'échelle du cinquième environ de grandeur naturelle, donne une idée suffisante et même complète des moyens employés par l'auteur du nouveau procédé.
Elle se compose d'une noix en fonte, d'environ 12 pouces de diamètre, conique et montée sur un axe horizontal, qui reçoit le mouvement d'une roue hydraulique ou de toute autre agent; cette noix doit faire environ 10 tours/minute; elle tourne dans une partie conique concave formant la matrice, et qui est fixée d'une manière inébranlable à un encadrement en charpente au moyen de sa base et de quatre boulons à écrous sur les côtés. Une ouverture est pratiquée dans la partie supérieure de la matrice et sert à introduire les graines oléagineuses destinées à être broyées entre les dents de la noix et de la matrice.
À cet effet, la partie conique de l'une et de l'autre est divisée en trois portions de largeurs différentes; celle du milieu, la plus forte, se compose de longues dents très peu saillantes destinées à établir la compression des graines engagées dans les creux; les deux autres parties, beaucoup plus étroites, sont garnies de dents ou clous plus serrés et plus fins, lesquels ont pour objet d’achever le déchirement des graines et d’empêcher qu’elles ne sortent avant d’avoir été réduites au degré de finesse obtenu par les autres procédés; il est essentiel d'ajouter que les dentures fines qui se trouvent à l'extérieur de la noix et de la matrice appartiennent à des portions de surfaces coniques dont les arrêtes doivent être très inclinées sur l'axe, en sorte qu'elles sont presque des cylindres parallèles à l'axe de rotation. Ces dentures, d'ailleurs, ainsi que celles du coin intermédiaire, sont dirigées en sens contraire dans la noix et dans la matrice, comme cela a lieu dans les moulin à café ordinaires, disposition dont on sent parfaitement l'objet.
Pour rapprocher à volonté la noix de la matrice, on a eu soin de faire porter l'extrémité de l'arbre de cette noix du côté de la grande base du cône sur la pointe d'une vis traversant l'une des faces des châssis d'assemblage, à peu près comme cela se pratique dans la tour ordinaire; à cet effet l'on a laissé à cet arbre la faculté de glisser dans ses coussinets placé sur la face parallèle des châssis. Il est d'ailleurs entendu que cet arbre est terminé par un manchon, ou de toute autre manière, de façon à lier son mouvement avec celui de l'arbre moteur en maintenant le jeu convenable entre les deux arbres.
On conçoit maintenant que la graine venant descendre par l'ouverture supérieure de la trémie où elle était placée, s’insinue entre le cône intermédiaire de la noix et de la matrice, est déchirée et comprimée, l'huile coule le long des creux formés par la grande denture et se rend vers le petit cercle de la noix, ainsi qu'une petite portion de graine écrasée que l'on a soin de séparer par un tamis en fils de faire, placé au-dessous; les parties écrasées, et qui ont subi la compression, sortent, en majeure partie, par le grand cercle de la noix, mais sans conserver l'huile, du moins à l'état liquide; ces faits peuvent être considérés comme un résultat constant de l'expérience, quoique, peut-être, ils soient difficiles à expliquer théoriquement.
On conçoit néanmoins que la graine, quoique parfaitement écrasée, et divisée après son pressage au travers des dentures extérieures et fines de la noix, doit encore conserver une certaine quantité d'huile; c'est pourquoi on la soumet à une nouvelle pression par les procédés ordinaires, mais sans qu'on soit obligé de la faire chauffer; car la matière, en sortant de la noix, conserve suffisamment de chaleur pour subir l'opération avec avantage.
En résumé, voici les avantages que présente le nouveau procédé sur tous ceux en usage, soit en France ou tout ailleurs.
- Il ne faut qu'une place de 1,5 m carré pour mettre cette machine.
- Mue par l’eau elle réduit en 24 heures 16 hectolitres de colza ou navette qui sont pressés au même instant.
- Le colza, ou navette, sec, se moud, et l’huile se trouve au même instant faite, sans que l'on soit obligé d'y mettre de l'eau; l'écrasement de la graine est égal et allongé: ces deux perfections exemptent les huiles d'une couleur louche et d'un mucilage frayeux et nuisible.
- Toutes les graines, en sortant de l'invention, produisent autant d'huile que si elles étaient chauffées; mais, si elles sont restées un certain temps sans être pressées, il faut alors les chauffer à un degré de chaleur très doux.
- On ne repasse jamais les tourteaux, parce qu'il n'y reste rien d'oléagineux.
- L’huile à froid, et à chaud, est claire en sortant de la presse, et ne produit, par conséquent, pas la 20e partie de dépôt, en l’épurant, en comparaison de celle faite, aux autres huileries, non compris une augmentation d’un 15e en quantité.
Ainsi fait et dressé à Metz le 3 janvier 1826
J. NEYS
Une invention a été faite dans le royaume des Pays-Bas pour écraser les graines oléagineuses par un moulin en fonte, cette machine a l'avantage de broyer à plus grande quantité que par les moyens employés jusqu'à présent, elle dispense de refaire les pains (?) et de les soumettre à une deuxième pression.
Elle a valu à l'inventeur un brevet d'invention de sa Majesté le roi des Pays-Bas.
Jaloux d’introduire en France cette découverte, nous avons traité avec l'inventeur pour l’importer et nous venons solliciter de Votre Excellence un brevet d'importation pour cinq ans, à cet effet nous avons rempli les formalités voulues par les Loi et Ordonnance.
Nous joignons à la présente le modèle en bois de la machine et un mémoire descriptif des différentes pièces qui la comportent.
Description de la machine à moudre les graines oléagineuses
Sur un châssis en chêne de sept pieds de longueur sur trois pieds six pouces pour de largeur hors d’oeuvre, assemblés à tenons et mortaises se trouvent placés au centre quatre montants, séparés l'un de l'autre d’un pied neuf pouces; entre ces montants est une traverse de chaque côté sur lesquelles pose l'arbre de rotation qui communique le mouvement à la machine en fonte qui moud la graine; cet arbre a son centre carré pour recevoir la partie mobile et les extrémités rondes prenant assise d'un côté sur un coussinet de cuivre et de l'autre opposé au moteur sur une ____ de pression ___ en forme de pointe ____ qui rappelle la machine mobile suivant la grosseur de la graine que l’on veut écraser.
La partie fixe de cette machine est soutenue par quatre boulons en fer taraudés et à têtes perdues dans cette partie, traversant horizontalement le dehors du châssis où ils viennent serrer sur une croix en fer forgé qui est utile par l’épaisseur qu'on lui donne à consolider toute la machine de ce côté. Le boulon dans la tête percée prend dans la partie fixe, à une face plate d'un côté, et sert encore au même usage. La trémie est au-dessus comme dans toute espèce de moulin.
Le petit modèle étant fait d'après l'échelle du pouce pour pied, il est facile d'en connaître les dimensions.
Avec cette machine, ayant le moindre cours d'eau égal à la force de deux chevaux, on broie 100 kg de graines par heure.
Elle peut aussi remplacer la pierre et les cylindres dont les huiliers se servent. En la diminuant de grandeur ils y trouveraient encore plus d'avantages et n’emploieraient toujours qu’un seul cheval. Si au contraire on avait une force motrice supérieure on pourrait augmenter, en doublant et triplant la dimension.
C'est par son utilité que nous sollicitons la propriété par un brevet d'importation de la durée de cinq ans.
Metz le 10 janvier 1826
J. ANSPACH & VALENTIN
Le Ministre ordonne en outre
1. que le mémoire descriptif ci-dessus désigné restera annexé au présent certificat,
2. qu'une expédition en bonne forme de ce même certificat, laquelle devra être suivie de la copie littérale du dit mémoire descriptif, sera transmise cachetée au préfet du département de la Moselle pour être délivrée aux sieurs Anspach et Valentin,
3. que le modèle produit sera déposé au Conservatoire Royal des Arts et Métiers avec défense de l’y exposer publiquement avant 15 années accomplies à dater de ce jour.