Utilisation de la corne dans la bâtisse
Le soussigné François Poncin, tourneur et propriétaire, rue de l’eau à Luxembourg, a l'honneur de vous faire part:
que depuis un mois, il vient de faire une nouvelle application de la corne, pour servir de poignées en olives de portes d'appartements, ainsi que pour ornements aux espagnolettes des fenêtres et pour tout ce qui concerne les agrafes en bouton pour meubles;
que ce genre d'industrie, dont l'application a déjà eu lieu à la satisfaction des personnes, qui en ont fait usage, n'a jamais été pratiquée dans notre pays;
que les échantillons, qui accompagnent la présente, démontrent, que la légèreté, la propreté et la beauté peuvent s'allier à une solidité à toute épreuve.
Cependant, pour que cette nouvelle application puisse avoir un résultat commercial, c'est une grande exactitude et beaucoup de soins dans sa fabrication, jointe au bon marché, qui peuvent en recommander l’usage, le soussigné témoigne le désir, que Votre Gouvernement veuille bien lui accorder un brevet de cinq ans, pour la nouvelle application de la corne dans tout ce qui concerne son utilité dans la bâtisse et dans les ornements de meubles, quelques boutons ornés, agrafes, garnitures de portes et fenêtres, afin que d'autres personnes du même état ne viennent, par des produits inférieurs ou mal confectionnés, annihiler le germe de cette nouvelle industrie.
Le soussigné se référant entièrement à la sagesse du Gouvernement, duquel il ose espérer, que cet acte lui sera favorablement accordé, le supplie aussi, s’il y a moyen, de lui éviter les frais, notamment ceux d'un droit pour un brevet, qui deviendrait trop onéreux pour ce genre d'industrie.
Il a l'honneur, Monsieur le Gouverneur, d'être avec le plus profond respect.
Votre très dévoué est très obligé serviteur.
Comme les brevets ne sont accordés que pour les inventions ou leurs perfectionnements d'objets dont la confection est un secret, ou pour l'importation de secrets pour confectionner certains objets, il ne peut être fait suite à sa demande.
Le pétitionnaire, paraissant parvenu à confectionner différents objets avec une perfection, il écartera facilement la concurrence qu'il paraît redouter, s'il proportionne ses prix à l'utilité de ce qu'il fabriquera.
Veuillez l'informer de ce qui précède et lui transmettre la boîte ci-jointe contenant les échantillons qu'il nous avait transmis.
Sire,
Tourneur en corne de profession, je me suis de tout temps appliqué à lui donner tout le perfectionnement dont elle est susceptible, et si je ne craignais d'être taxé de vanterie, je dirais que les objets sortant de mes ateliers se font remarquer par leur solidité, comme par le fini du travail.
C'est ainsi que, me passionnant pour mon état, je suis parvenu à appliquer la corne à la confection de garnitures de portes, de fenêtres, de de meubles etc. Ces garnitures d'une nouvelle espèce, outre le poli de la matière et le la gracieuseté des formes, font disparaître le double inconvénient que présente le cuivre et le fer, le vert-de-gris et la rouille. Aussi ont-elles dès leur apparition, obtenu les suffrages du public, et la première et bien douce récompense de mon travail a été d'avoir fourni une partie de ces garnitures pour les appartements du pavillon de Votre Majesté à Walferdange. Si Elle daigne jeter un coup d'œil, Elle se convaincra que je n'exagère pas l’utilité de mon invention.
Afin de la faire tourner à mon avantage, et d'empêcher que les ouvriers, que la multiplicité des commandes m’oblige à employer, ne profitent de mes modèles, fruits de tant de peines et de patience, et que, sortis de chez moi, il ne jettent une défaveur sur ces garnitures par une imitation mal soignée, j’avais sollicité un brevet d'invention du Conseil de Gouvernement de votre Grand-Duché. Il m'a été répondu que
« Comme les brevets ne sont accordés que pour les inventions ou leurs perfectionnements d'objets dont la confection est un secret, ou pour l'importation de secrets pour confectionner certains objets, il ne peut être fait suite à sa demande. »
Sire, ne suis-je donc pas réellement l'inventeur de l'application de la corne aux objets susmentionnés? Ont-ils existé dans les Etats de Votre Majesté avant que je les eusse confectionnés? Ne sont-ils pas le résultat de mes longues recherches, de mes essais multipliés?
J'ose me persuader que Votre Majesté sera d’avis, que ces questions pourront être résolues affirmativement, et dès lors je serai dans les conditions de l'article 1er de la loi du 25 janvier 1817 sur les brevets d'invention.
Je prends donc la respectueuse liberté de reproduire auprès de Votre Majesté, qui veut bien accorder Sa protection toute spéciale à l'industrie et au commerce, ma très humble demande tendante à obtenir un brevet d'invention, pendant cinq années pour la confection de garnitures en corne, dont j'ai l'honneur de joindre à la présente quelques échantillons.
À cette faveur, je supplie Votre Majesté, de joindre cette autre de vouloir bien me faire la remise des droits à payer de ce chef.
Je suis père d'une assez nombreuse famille, et je n'ai pour la sustenter que le produit de mon travail.
Dans l'attente d'une décision qui comblera tous mes vœux, je suis avec le plus profond respect, Sire, de Votre Majesté, le fidèle sujet …
En réponse à votre missive du 28 novembre dernier, … j'ai l'honneur de vous informer, que la seule pièce relative à l'invention, consistant dans une planche sur laquelle sont représentées plusieurs garnitures plus ou moins différentes de celles employées jusqu'ici, sans la moindre description de la marche à suivre pour les confectionner, je suis d'avis, conformément à l'article X du règlement joint à la loi sur les brevets, qu'il n'y a pas lieu à prendre une disposition favorable sur la demande susdite.
… comme Poncin a présenté une requête à Sa Majesté lors de son dernier séjour dans le Grand-Duché ne conviendrait-t-il pas de faire un rapport à Sa Majesté en lui renvoyant la requête de Poncin, d’y joindre une copie de l'avis de Lipkens et de provoquer une décision négative, qui serait communiquée ensuite à Poncin. De cette manière celui-ci cesserait ses démarches qu'il réitérera probablement sans cela.
Comme le sieur Poncin n’avait joint à sa requête qu'une planche …, il n'a pu être donné suite à sa demande.
Je vous prie d'informer le sieur Poncin de ce qui précède, et de le prévenir que s'il croit avoir réellement droit à un brevet d'invention il doit produire une description exacte, détaillée et signée par lui, de l'objet pour lequel il demande ce brevet.
Je me trouve dans l'obligation de vous adresser, ensuite de la lettre du Bourgmestre et échevins de cette ville du 4 de ce mois, des renseignements complémentaires à l'appui de la demande que j'ai soumise au gouvernement …
Cette main-d'œuvre étant toute nouvelle, ayant jamais été l'objet d'une industrie antérieure, constitue un mode tout spécial de l'emploi de la corne, et j'ose croire que ni l’utilité réelle, ni le bon goût ni l'économie ne restent en dehors de ce genre de travail; c'est une nouveauté qui peut acquérir une grande extension.
Il y a donc invention, dans le sens que la loi fondée sur les usages de l'industrie, attache à ce mot et il m'est permis, à ce titre d'espérer la concession d'un brevet.
Je vous présente, en conséquence, ci-joint, Monsieur le Gouverneur la déclaration qui m'est prescrite. Elle comprend tous les renseignements que comporte la nature du travail de la corne dans lequel consiste mon invention.
Je vous présente, également dans le paquet ci-joint quelques ouvrages qui sont le produit de ce nouvel emploi de la corne.
Agréez mes salutations bien respectueuses.
Le soussigné, tourneur à Luxembourg, ayant demandé au Gouverneur un brevet de la durée de cinq ans, pour l'invention d'une application nouvelle de la corne à la confection de garnitures de portes, fenêtres et autres objets qui en sont susceptibles, déclare que cette invention consiste dans le simple emploi de la corne à des ouvrages qui, de leur nature, étaient antérieurement confectionnés en métaux, en bois, en verre; que pour l'application de la corne à cette sorte de produits, l'inventeur se sert des procédés et des instruments divers en usage pour le tournage du bois et de la corne; que les procédés et instruments sont comme de tous les tourneurs et ne comprennent aucuns moyens nouveaux; qu'à cette égard il n'y a aucun détail à donner.
Il me semble toujours impossible qu'un brevet d’invention puisse être accordé à Poncin pour ses ouvrages en corne, surtout que d'autres individus de son état en confectionnent également, et même à Luxembourg; j'en ai vus chez le tourneur Michel, qui sont aussi soignés que ceux de Poncin.
Lui accorder un brevet, c'est priver les autres tourneurs de l’exercice de leur état, ce que Poncin appelle d'ailleurs son invention n'en est pas une, car il y a bien des années qu'on a vu des boutons de tiroirs et des garniture de meubles en corne, ces boutons étant moins bien faits que les ouvrages que Poncin confectionne; mais puisqu'il est meilleur ouvrier qu'un autre peut-il pour cela avoir un brevet, surtout que la confection de ces garniture n'est pas un secret mais seulement une adresse d'un ouvrier.
Comme il ne se désistera pas de sa demande, ne pourrait-on pas prier Monsieur le Chancelier, en lui transmettant la pièce ci-jointe, sous le titre de Déclaration, de soumettre la demande au Roi Grand-Duc après qu'elle aurait été de nouveau examinée par le sieur Lipkens, pour qu'il soit décidé qu'il ne peut obtenir un brevet, si ce haut fonctionnaires persiste à déclarer qu'il n’en peut obtenir.
Par notre lettre du 25 février dernier, vous avez été invités à informer le sieur Poncin, tourneur en corne à Luxembourg, des motifs qui s'opposent à ce qu'il lui fût délivré un brevet d'invention pour une nouvelle application de la corne à la confection de garniture de portes, fenêtres, etc. d'après l'avis émis par Monsieur le Conseiller d'État Lipkens, chargé de la vérification des inventions couvrant les objets d’art et d’industrie.
En suite de cette communication, le sieur Poncin a produit une déclaration tendant à compléter les renseignements qu'il avait fournis antérieurement afin d'obtenir le brevet demandé.
La simple lecture de cette déclaration suffit pour démontrer que, ce que le sieur Poncin appelle une invention, n'en est pas une; il travaille la corne avec des outils pareils à ceux des autres artisans qui exercent le même état que lui; mais il confectionne entr’autres des garnitures de portes, de fenêtres et de meubles en corne, et avouant lui-même qu'il n'emploie aucun procédé nouveau, et qu'il n'a aucun détail à donner à cette égard.
Depuis bien des années la corne a été employée à la confection des garnitures de meubles, ces garnitures étaient peut-être moins bien exécutées, et d'une autre forme que celles que fournit le pétitionnaire et que toute autre ouvrier du Grand-Duché confectionne également aujourd'hui.
Il y a à Luxembourg même un tourneur en corne, le sieur Michel, qui confectionne depuis qu’il est établi des garnitures dans le même genre et de la même forme que celles fabriquées par le pétitionnaire; de sorte qu'en conformité de l'art. 2 de la loi du 25 janvier 1817 le brevet que le sieur Poncin pourrait obtenir, serait nul, tandis que d'après l'art. 10 du Règlement du 26 mars de la même année, annexé à la loi précitée, les changements de formes ou de proportions non plus que les ornements de quelque genre qu'ils puissent être, ne peuvent être mis au rang des perfectionnements industriels.
En conséquence nous déclarons que la nouvelle demande du sieur Poncin n'est pas plus susceptible que la première de recevoir aucune suite, et nous vous prions de vouloir bien lui en faire connaître les motifs en lui remettant la boîte ci-jointe, dans laquelle se trouvent trois de ses ouvrages.
Nous avons été satisfaits de trouver à l'exposition les poignées en corne de M. Poncin, de Luxembourg, dont l'usage s'est si fort répandu depuis quelques temps.
Pourquoi le même tourneur n'a-t-il pas montré ses bouts de tuyaux de pipes, qui se placent en Belgique, en France, et dont la fabrication occupe un assez grand nombre d’ouvriers?
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(01/02/2022)