Victor MICHAËLIS (1846-1884) [1]
Nouveau procédé de fabriquer les vinaigres nommé “Méthode des cuves tournantes”
Centenaire d'une invention luxembourgeoise
Le système des cuves tournantes de Michaëlis ou méthode luxembourgeoise pour la production du vinaigre
He wrote the following
Il y a 100 ans, le 14 février 1879, une demande de brevet d’invention fut adressée à sa Majesté le Roi Grand-Duc Guillaume III par un certain Frédéric Michaëlis.
Ce fut le début d’une invention qui allait avoir une répercussion énorme dans le monde industriel et technique de l’époque et qui allait faire connaître le nom du Grand-Duché au-delà des mers!
Qui fut donc Frédéric Michaëlis et quelle a été cette invention qui fit fureur à l’époque? Frédéric Michaëlis (1841-1897) était ingénieur et vinaigrier-distillateur exploitant ensemble avec son frère Victor (1846-1884), vinaigrier, une vinaigrerie à Luxembourg-Rollingergrund près de l’école primaire actuelle, lieu connu encore aujourd'hui par les vieux habitants du quartier sous la dénomination «an der Esseg».
Déjà leur père, Michel Michaëlis, frère du directeur de l’Athénée de l'époque, Jean-Pierre Michaëlis, avait exploité une vinaigrerie au 3e étage de sa maison au Marché-aux-Poissons à Luxembourg, immeuble qui fut démoli en 1900. On y montait et descendait les lourds tonneaux remplis resp. de vin et de vinaigre à dos d'hommes!
Les Michaëlis étaient les membres d'une vieille famille luxembourgeoise très estimée dont la plupart étaient des artisans, des industriels ou des intellectuels.
Pour comprendre l’invention des Frères Michaëlis, il faut savoir que le vinaigre est obtenu en principe si, sous l’influence d’un ferment sécrété par une bactérie, le mycoderme acétique de la «mère du vinaigre» (« Essegmudder » en luxembourgeois), l’alcool du vin s’oxyde en acide acétique. Ainsi le vin devient du «vin aigre», du vinaigre.
Or pour obtenir le vinaigre à partir du vin ou d’un autre liquide alcoolique, on plaçait le liquide à acétifier dans un tonneau (procédé d’Orléans) ou dans une cuve large et plate (procédé Pasteur) ou bien, ce qui constituait un grand progrès, on faisait circuler le liquide alcoolique de haut en bas dans un grand tonneau rempli en partie de copeaux de hêtre ensemencés avec du ferment acétique (procédé Schützenbach ou procédé allemand). Ce tonneau est fixe, mais le liquide alcoolique y est mobile.
L’invention des Frères Michaëlis est une modification intelligente du procédé allemand en ce sens que non seulement le liquide circule sur des copeaux de hêtre remplissant tout le tonneau, mais que le tonneau est mobile lui aussi, c.-à-d. qu’il subit une rotation autour de son axe horizontal.
Le 29 mars 1879, une Commission d’experts nommée par la Chambre de Commerce à Luxembourg, se rendit dans la vinaigrerie Michaëlis afin d’examiner la nouvelle invention. Cette Commission se composait des membres suivants: P. Fassbender, vinaigrier et commerçant à Luxembourg-Pfaffenthal, J. Meyer, chimiste et ancien pharmacien à Luxembourg-Eich et J. Warnimont, docteur en philosophie, membre de l’Institut Royal Grand-Ducal de Luxembourg, Section des Sc. Naturelles.
Le 6 avril, donc à peine 8 jours plus tard, leur rapport était déjà entre les mains du président de la Chambre de Commerce.
Dans leur rapport les experts certifient n’avoir trouvé aucun procédé pareil ni dans la pratique, ni dans un traité scientifique. A leur avis l’invention des Frères Michaëlis doit être considérée comme un réel progrès dans l’art du vinaigrier. Tout en honorant ses auteurs, elle ferait sûrement la gloire et le profit de leur pays. Ils recommandent, en conséquence, à la Chambre de Commerce et au Gouvernement d’attribuer le brevet demandé aux Frères Michaëlis.
Dans la suite, des modifications qui constituaient autant d’inventions nouvelles, furent ajoutées à la demande de brevet resp. le 30 septembre 1879 et le 16 février 1881. Des brevets furent pris sur le système Michaëlis en France, en Allemagne, en Autriche, en Angleterre, en Italie, en Espagne, en Belgique, au Grand-Duché (brevets nos 2; 86; 118), en Suède, en Norvège, au Danemark, en Finlande, aux USA, en Australie et en Égypte.
Très vite, les vinaigreries exploitant le système Michaëlis se répandirent à travers la France et ses colonies, l’Allemagne, la Belgique et l’Angleterre. Les Frères Michaëlis durent se rendre très souvent à l’étranger pour diriger eux-mêmes sur place l’installation des cuves tournantes.
D’ailleurs, leur invention, qui fut désignée aussitôt sur le nom de: méthode luxembourgeoise, trouva un soutien considérable de la part de savants et d’industriels étrangers. Ainsi, M. Troost, professeur de chimie à l’Université de Paris, dans une publication fort élogieuse pour les inventeurs, prédit à la méthode luxembourgeoise un grand avenir. Dans un journal scientifique «le Moniteur Vinicole» une série d'articles étaient consacrés à la méthode luxembourgeoise. On y énumérait toute une série d’avantages par rapport à la méthode allemande et on qualifiait l'invention des Frères Michaëlis comme originale et comme une vraie nouveauté industrielle.
D’autres articles aussi flatteurs pour les inventeurs étaient publiés dans le « Deutsche Chemiker Zeitung » (no 43; 1880) et dans le « Deutsche Destillateur Zeitung » de la même époque où nous apprenons, entre autres, que même Pasteur ainsi que d’autres savants éminents auraient donné un avis très favorable sur la méthode luxembourgeoise des Frères Michaëlis.
En Angleterre, dans un traité paru en 1888 (Vinegar Brewing by the Michaëlis process), on fait également l’éloge de la nouvelle invention luxembourgeoise. De plus la Vinaigrerie Michaëlis fut honorée par des Médailles d’or des Villes de Paris et de Philadelphie.
Malheureusement du point de vue matériel, les Frères Michaëlis ont partagé le sort de tant d’inventeurs dans le domaine industriel En effet, ils ne purent défier la concurrence du vinaigre allemand importé au Grand-Duché du fait de l’union douanière avec l’Allemagne (Zollverein). Ainsi, ils étaient forcés de vendre leur vinaigre au même prix que leurs concurrents allemands qui bénéficiaient de l’avantage de fortes subventions (Retoursteuer) payées immédiatement par l’Etat allemand, alors que les Frères Michaëlis durent attendre des mois et des mois avant d’obtenir au Grand-Duché le bénéfice de cette mesure.
Ils durent finalement cesser toute activité et liquider leur vinaigrerie.
Les Frères Michaëlis sont morts sans qu’un journal luxembourgeois de l’époque ait fait l’éloge de leurs mérites.
Leur vinaigrerie a disparu, mais leur invention a gardé une certaine importance: du vinaigre est toujours produit par le procédé luxembourgeois ou par une variante de celui-ci, et c’est avec un légitime sentiment de fierté que nous lisons dans certains traités de chimie technologique qu’il existe, pour la production du vinaigre, un procédé luxembourgeois.
The Michaëlis patent portfolio
To all whom It may concern :
Be it known that I, Victor Michaëlis, of the firm of Fr. Michaëlis, resident of Rollingergrund, in the Grand Dukedom of Luxemburg, have invented new and useful Improvements in Apparatus for Manufacturing Vinegar, of which the following is a specification ...
No 2. - Le 10 juillet.1880. — M. Frédéric Michaëlis, pour une nouvelle manière de fabriquer le vinaigre, dite „méthode des cuves tournantes“.
No 86. - Le 4 novembre 1880. — M. Frédéric Michaëlis, certificat d’addition au brevet n° 2, L’addition porte sur l’application d’une boîte rectangulaire perforée et à axe horizontale à la face intérieure du fond de la cuve qui porte l’entrée d’air.
No 118. - Le 16 février 1881. — M. Frédéric Michaëlis, pour des perfectionnements à la fabrication du vinaigre par la méthode des cuves tournantes. (Certificat d’addition au brevet d’invention n° 2.)
N° 13. - Le 15 juillet 1880. — M. Frédéric Michaëlis, pour un appareil servant à faire passer périodiquement des copeaux dans un mélange à changer en vinaigre, avec courant d’air devant traverser les copeaux; appareil nommé „Générateur à vinaigre avec plongeur et courant d’air fermé”
N° 16. - Le 17 juillet 1880. — M. Frédéric Michaëlis, certificat d’addition au brevet N° 13.
N° 55. - Le 23 août 1880. — M. Frédéric Michaëlis, nouveau certificat d’addition au brevet n° 13
N° 93. - Le 8 décembre 1880. — M. Frédéric Michaëlis, nouveau certificat, d’addition au brevet N° 13, - pour un générateur à vinaigre avec plongeur et courant d’air fermé. La nouvelle addition porte sur diverses modifications dans la construction des appareils et sur des arrangements nouveaux pour le service et l’assemblage des appareils
N° 151. — Le 20 juillet 1881. — M. Victor Michaëlis, fabricant, qui a fait élection de domicile à Limpertsberg (commune de Luxembourg), en sa demeure; — pour incubation artificielle des oeufs par la chaleur dégagée dans un appareil pour la fabrication du vinaigre par l’oxydation d’un liquide alcoolique.
N° 156. — Le 10 août 1881. — M. Victor Michaëlis, fabricant, qui a fait élection de domicile, à Limpertsberg, commune de Luxembourg, en sa demeure; — certificat d’addition au brevet d’invention qui lui a été délivré le 20 juillet dernier sous le N° 151; — pour l’incubation des oeufs etc.
N° 285. - Le 10 mai 1883. — M. Victor Michaelis pour appareil et méthode de concentration automatique et leur application pour faire vieillir ou améliorer le vinaigre, le vin, l’eau-de-vie et autres liquides alcooliques, les parfumeries etc., ainsi que pour la fabrication des liqueurs et du vinaigre.
N° 306. - La 2 octobre 1883. — M. Victor Michaëlis, certificat d'addition au brevet n° 285, du 10 mai 1883, - pour un appareil et une méthode de concentration automatique et leur application pour faire vieillir ou améliorer le vinaigre, le vin, l’eau-de- vie et autres liquides alcooliques, les parfumeries etc., ainsi que pour la fabrication des liqueurs et du vinaigre.
N° 327. - Le 22 novembre 1883. — M. Victor Michaëlis, second certificat d’addition au brevet N° 285 du 10 mai 1883, - pour méthode et appareil à action automatique et constante pour vieillir artificiellement et concentrer le vinaigre, les vins, eaux- de-vie et autres liquides, ainsi que pour la fabrication des liqueurs.
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[2] Die Warte, 8 February 1979
[9] US patent No 292,125, FR patents No 137,817 and No 144,245, ES patent No 2,086, DE patent 9,231