La Société a pour objet principal la fabrication et le commerce de chapeaux en Panama, Brésilien et paille, ainsi que de tout autre article qui se rattache à cette industrie.
Son siège est à Luxembourg; les fabriques principales sont à Luxembourg et à Mersch. Des ateliers de tressage et des succursales pourront être établis même à l'étranger
La Société Reuter, Worms et Comp. … apporte… à la nouvelle Société créée par les présentes, son mobilier, ses machines, ses matières brutes et fabriquées, et en général tout ce qui fait partie de son établissement
Les frais et dépenses qu'elle a faits pour l'introduction de cette nouvelle industrie, ainsi que pour l'installation des différents ateliers et l'apprentissage des ouvriers et tresseuses lui seront payés en actions de la nouvelle Société, …
Pour indemniser la Société fondatrice Reuter, Worms et Comp. de ses peines et de son initiative, il lui sera alloué quatre pour cent sur les bénéfices nets.
Les médailles que la Société Reuter, Worms et Comp. a remportées dans des expositions industrielles deviennent propriété de la nouvelle Société.
L. Ruth, L. Muller, J. Reuter-Reuter, F. Worms, L. Wehenkel, Ferron-Martigny, F. Reuter, N. Hahn, F. Eydt, J. Joris, Langers, Maréchal, Duscherer, J.-B. Troquet, J. Troquet jeune, J. Simons, E. Weiter, N. Nouveau, F. Berger, C. Cloos et Eug. Rausch
Fabrication de chapeaux en panama et en palmier
Les soussignés prennent la très respectueuse liberté de vous exposer
qu'ils ont établi à Mersch une fabrique de chapeaux en Panama et en Palmier sous la raison sociale Reuter, Worms et Cie,
que cette industrie toute nouvelle, et complètement ignorée dans le pays de Luxembourg, mais brevetée en France pour une période de 10 années, est un bienfait pour les habitants de la campagne, qui pourront en toute saison y trouver un travail rémunérateur pour leurs enfants de tout âge et des deux sexes;
que cependant, cette industrie entraîne à de grandes dépenses pour les constructions, le matériel nécessaire à la manipulation de la matière première et les engagements contractés avec un grand nombre d'ouvriers et contre-maîtres étrangers pour l'apprentissage des élèves à former dans le pays;
que cependant, toutes ces dépenses seraient faites en pure perte pour les fondateurs, si au bout d'un couple d'années et après avoir fait les premières expériences à leurs dépens et former les ouvriers, d’autres industriels, profitant de l'expérience acquise, venaient créer dans le pays des fabriques analogues et leur faire concurrence.
À ces causes les soussignés osent prier, Votre Altesse Royale, de vouloir bien leur accorder un brevet d'importation pour une période de 10 ans …
En conséquence les soussignés joignent à la présente demande en triple exemplaires les plans et description de la fabrique, des appareils et machines servant à la fabrication desdits chapeaux Panama et Palmier.
Vous avez bien voulu nous communiquer, afin d'avis, la demande que les sieurs … ont adressée à Son Altesse Royale, … à l'effet d'obtenir pour la fabrique de chapeaux de paille, qu'ils ont établie à Mersch, un brevet de 10 ans.
Les pétitionnaires n'indiquent pas s'ils ont acquis un droit au brevet, qu'ils disent avoir été accordé en France, pour le procédé de fabrication; ils invoquent seulement la priorité de leur établissement pour des garanties, au moyen d'un privilège, contre la concurrence dans cette branche d'industrie pour laquelle ils font le sacrifice de l'apprentissage de jeunes ouvriers des deux sexes.
La Chambre de commerce, en considération de la nouveauté de cette industrie dans le pays de Luxembourg, sans égard aux procédés qu'ils veulent employer dans la fabrication, est d'avis qu'il il y a lieu d'accorder aux sieurs Jos. Reuter et Félix Reuter un brevet de cinq ans, exclusivement pour la fabrication de chapeaux de paille, et sans préjudice au commerce qui se fait de cet article provenant de fabrication étrangère.
J'ai examiné les diverses pièces concernant le brevet d'importation demandé par les sieurs Jos. Reuter et Félix Worms, pour la fabrication des chapeaux en panama et en palmier.
Il résulte de ces pièces que les demandeurs voudraient, pour un terme de 10 ans être protégés par le Gouvernement contre toute concurrence dans l'industrie qu'ils ont introduite dans le Grand-Duché.
Une telle demande, à mon avis, ne saurait être accordée en vertu de notre loi actuelle sur les brevets d'invention et paraît même être contraire à l'esprit de cette loi qui a autant pour objet d'encourager et de provoquer les inventions nouvelles que de protéger celles qui sont déjà faites.
Or, si une industrie était protégée comme telle, indépendamment des moyens et des appareils dont elle fait usage, et des résultats obtenus, tout progrès dans cette industrie deviendrait impossible, au moins pendant la durée du brevet.
D'un autre côté le brevet de fabrication entraîne le droit exclusif de vendre les objets fabriqués. Dans l’espèce, aucun chapeau de paille ou de panama, pareil à ce que fabriquent ou fabriqueront les demandeurs ne pourrait être vendu dans le pays, s'il n'est pas fabriqué par eux (art. VI, §a).
Le brevet en question garantirait contrairement à la loi, entièrement les demandeurs, puisqu'il ne serait basé ni sur une invention, ni sur l'emploi d'un instrument, ni sur un procédé de fabrication.
Le privilège demandé n'est pas de ceux qui peuvent être accordés en vertu de la loi de 1817, et qui, d'après le titre de cette loi, sont accordés pour l'invention ou l'amélioration d'objets d'art et d’industrie.
Si l'on appliquait la demande à toute autre industrie, p. ex. à la fabrication du sucre de betterave, on verrait de suite toute l'importance que présente la question, et la gravité de la décision a à prendre.
Je regrette, Messieurs, qu'il ne puisse être fait droit à votre demande, la loi du 25 janvier 1817 ne permettant pas de protéger par un brevet une industrie spéciale comme telle, mais elle autorise seulement à accorder un brevet pour une nouvelle invention, pour l'importation dans le pays d'une invention, et pour un perfectionnement y apporté.
Nous venons de visiter la succursale que MM. Reuter et Worms ont établie à Luxembourg, et nous avons été réellement surpris des résultats que ces industriels ont déjà su obtenir.
Près de 140 jeunes filles et garçons, de 12 à 20 ans, sont occupés à tresser des chapeaux, et quelques ouvrières et ouvriers ont déjà acquis une certaine habilité. Nous avons observé sur ces jeunes visages un air de satisfaction qui nous a fait concevoir les plus belles espérances pour l’avenir de cette nouvelle industrie.
L’établissement de Mersch occupe actuellement au-delà de 100 ouvriers des deux sexes; la succursale de Lintgen en compte 50; ajoutons-y les ouvriers travaillant à Luxembourg, nous obtenons déjà le nombre fort raisonnable de 300. Pour une industrie, qui était inconnue chez nous jusqu’à ce jour, il faut avouer que c’est là un résultat vraiment inespéré. Et on ne s’y arrêtera pas. L’établissement d’autres succursales est projeté, à Ettelbruck, Diekirch, Echternach, etc.
Nous félicitons MM. Reuter et Worms d’avoir pris cette initiative et d’avoir introduit chez nous une nouvelle source de bien-être pour notre classe ouvrière.
En visitant la succursale de Luxembourg, nous avons remarqué avec beaucoup de satisfaction que les ouvriers et les ouvrières travaillent séparément, et qu’ils sont placés sous une surveillance continue. Cette mesure mérite toute notre approbation, parce que nous y voyons une garantie pour la moralité de la classe ouvrière, et parce que les parents sont rassurés par là sur le sort de leurs jeunes filles. Tout le monde sait, combien la démoralisation se glisse facilement dans les ateliers où travaillent des ouvriers des deux sexes, et en général dans tous les centres d’industrie. Nous engageons donc MM. Reuter et Worms à persévérer dans la voie qu’ils se sont tracée; ils rendront par là un grand service aux familles ouvrières; ils se prépareront des ouvriers sur lesquels ils pourront se fier et ils retireront eux-mêmes de grands avantages de cette mesure de moralité.
Il paraît que MM. Reuter, Worms et Comp. renoncent à leur intention d'établir à Diekirch une succursale de leur fabrique de chapeaux de Panama. C'est du moins ce qu'il nous faut conclure d'un article du Volksfreund. Cette résolution est, parait-il, motivée par les attaques que le Volksfreund a publiées contre la société Reuter, Worms et Comp. Cette feuille, qui sent toute la gravité de la responsabilité qui lui en incombe, s'étonne grandement de cette résolution et trouve incompréhensible et ridicule que la bourgeoisie de Diekirch soit rendue responsable d'un article inséré dans ses colonnes. Il nous semble tout aussi incompréhensible et tout aussi ridicule qu'une feuille de Diekirch vienne s'attaquer à des hommes qui veulent doter cette localité d'un établissement industriel.
Autre chose: « Nous avons la conviction, dit le Volksfreund, que nos concitoyens ont la même opinion que nous sur les prétentions et les insinuations ridicules de la firme Reuter et Worms, et qu'ils ne lui accordent pas plus d'importance que nous; nous sommes néanmoins obligés de protester contre les accusations portées contre nous."
Heureusement que la bourgeoisie de Diekirch est d'un avis tout contraire et qu'elle a assez d'esprit pour savoir que tout établissement industriel mérite un autre accueil que celui qui lui a fait le Volksfreund. Il serait vraiment injuste de la rendre responsable de toutes les sottises que débitent la feuille qui s'imprime chez elle. Mais voici le plus beau de l'affaire:
Pour tranquilliser complètement nos concitoyens, ajoute finalement notre outrecuidant confrère, nous exprimons la ferme conviction que MM. Reuter & Worms n'ont pas le pouvoir de faire échouer le projet, et que la succursale sera établie à Diekirch, dès qu'un nombre suffisant d'ouvrières se seront annoncées pour assurer l'entreprise contre une interruption, faute de bras."
C'est dire en d'autres termes: MM. Reuter et Worms, qui assument en définitive toute la responsabilité morale de l’entreprise, qui mettent en jeu leur nom et leur fortune, sont des hommes de paille, dont il ne faut tenir aucun compte. Si ce n'est pas là une outrecuidance d'une sublime absurdité, nous n'y comprenons plus rien. Le Volksfreund rend un bien mauvais service à ses concitoyens. Espérons toutefois que ses sottises et ses imprudences n'auront d'autres suites qu'un échange de lettres et une courte polémique, et que Diekirch ne sera pas privé par sa faute d'un établissement industriel qui est loin d'être sans importance.
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